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217-II Chrétiens Ariens et Nicéens en Afrique Vandale (Ve-VIe siècles). Enjeux Religieux, Politiques et Culturels d'une Coexistence Difficile

11:50 - 13:20 Wednesday, 1st September, 2021

Giampiero Scafoglio


793 Fulgence de Ruspe et l’Aristocratie Africaine Nicéenne au Début du VIe Siècle : Participation à l’Administration Vandale ou Fuite du Monde ?

Bruno Pottier
Aix-Marseille Université, Aix-en-Provence, France

Abstract

Cette communication analyse, à travers la biographie de Fulgence de Ruspe, l’éventail des options offertes aux aristocrates nicéens au début du VIe siècle. Fulgence, issu d’une famille clarissime, s’est très tôt caractérisé par sa volonté tant de fuir le monde en abandonnant un poste dans l’administration vandale que de fonder de nombreux monastères, y compris en Proconsulaire, conçus principalement comme des lieux de formation théologique offrant probablement des services liturgiques. Il a notamment bénéficié du soutien financier de plusieurs notables de Byzacène, sans doute parce que ceux-ci pouvaient de cette manière se dédouaner de leur propre participation à l’administration vandale. Dès la persécution d’Hunéric de 483-484, des monastères avaient été fondés par des évêques exilés, probablement comme substitut à une Église défaillante. Cependant, contrairement à ce que laisse entendre une tradition littéraire postérieure, représentée notamment par Victor de Tunnuna, les rois vandales n’ont jamais persécuté spécifiquement les monastères. Attachés principalement à rendre invisible l’Église nicéenne, ils ont toléré la multiplication de ces pôles de résistance à l’arianisme. D’ailleurs, à partir de la légalisation de l’Église nicéenne par Hildéric en 523, certains abbés de ces monastères ont refusé de se soumettre à l’autorité des évêques, ce qui a nui à la cohérence de cette Église. 

Vers 516-517, le roi Thrasamund a choisi de faire de factode Fulgence le représentant en titre de l’Eglise nicéenne en le rappelant de son exil de Sardaigne à Carthage pour répondre à différentes questions théologiques. Fulgence, qui n’avait rien écrit auparavant, est alors devenu le principal polémiste nicéen. Les traités polémiques nicéens, souvent interprétés comme étant un des principaux indices des résistances face à l’arianisme, ont en effet été souvent suscités par les rois vandales eux-mêmes, qu’il s’agisse d’Hunéric à partir de 477 ou de Thrasamund. Ce roi, selon des thématiques reprises par Fulgence lui-même et par un panégyriste contemporain, a ainsi défini la raison et l’intelligence comme les valeurs cardinales de son règne. En se mettant en scène dans un débat sans vainqueur ni vaincu, il a proposé d’intégrer la théologie, mobilisant des aptitudes rhétoriques, au sein de la culture de cour, à l’instar de la pratique de la poésie. Il indiquait donc qu’il était acceptable d’être nicéen et de participer à l’administration royale, à condition de pouvoir argumenter sa position devant des collègues ariens. Une lettre de Fulgence à un Vandale probablement de foi nicéenne, Scarila, montre comment le débat théologique pouvait être désormais intégré dans l’otium littéraire. Ces considérations permettent de nuancer certaines interprétations anglo-saxonnes évoquant l’attachement des aristocrates africains à un espace séculier, religieusement neutre, dénoté notamment par la pratique de la poésie de cour. Cette pratique n’empêchait pas ces aristocrates d’affirmer discrètement leur foi nicéenne par le financement de monastères ou la participation au débat théologique, des actions qui n’étaient pas forcément perçues comme répréhensibles par les rois vandales.



219 Dracontius et les Vandales : résistance, médiation, échec

Giampiero Scafoglio
Université Côte d'Azur, Nice, France

Abstract

Orateur et poète reconnu, qui participe à la vie publique et culturelle de la ville de Carthage sous la domination vandale, Dracontius tente une médiation assez difficile entre les gouvernants ariens et la population liée en grande partie au credo de Nicée. Il célèbre en effet l’école de rhétorique comme le lieu idéal de la coexistence harmonieuse et collaborative entre les héritiers de la tradition romaine et ceux qu’il appelle les « barbares » : l’éloge du maître Felicianus, identifié à Orphée par le charme séduisant qui accroît l’efficacité de son attitude pédagogique, donne ainsi un exemple paradigmatique d’un modus uiuendi que l’école propose à la société (Romul. 1). Le souhait d’une telle médiation ne concerne d’ailleurs pas que le domaine culturel, mais aussi celui, bien plus controversé, de la religion, si l’on considère la signification allégorique attribuée à Orphée comme figure du « bon pasteur » dans l’art chrétien de l’Antiquité tardive. Cependant, devant la gravité de la situation, Dracontius ne se limite pas à la médiation constructive : dans la Controuersia de statua uiri fortis (Romul. 5) il n’hésite pas à dénoncer les abus des puissants (sans doute à identifier avec les gouvernants ariens) au détriment des plus faibles et de toute la population, ainsi que le risque d’une dérive autoritaire et violente dans les rapports entre gouvernants et sujets. Là aussi, la religion est en cause : la question cruciale du droit d’asile attribué d’une manière historiquement infondée à la statue d’un citoyen éminent rappelle ce privilège conféré auparavant aux temples païens et plus tard aux églises chrétiennes dans l’Empire romain, mais plus généralement, il pose le problème de la violation et même de la destruction de lieux de culte nicéen par les Vandales.                     

Dans ce contexte, l’emprisonnement de Dracontius n’est guère surprenant. La Satisfactio qu’il adresse au roi vandale dans le but d’obtenir son pardon, n’exprime pourtant pas une renonciation du poète à la cohérence en matière de religion, ni à la tentative de médiation : il ne nie pas sa position nicéenne, tout en reconnaissant son erreur politique et déclarant sa repentance. Il rappelle en fait des principes du symbole de Nicée qui ne facilitent certainement pas son approche avec le roi arien, mais qu’il met en jeu dans le but – ou plutôt dans l’espoir – d’instaurer un dialogue sincère et efficace avec son interlocuteur, au nom de la liberté et de la tolérance dans le domaine religieux. 

Quand Dracontius entreprend la rédaction des Laudes Dei, il a perdu tout espoir de recouvrer sa liberté et célèbre Dieu dans un esprit désintéressé, en recourant à des arguments et des exemples qui suivent une inspiration créative et apparemment arbitraire ; enfin il affirme clairement sa position doctrinale correspondant au credo de Nicée et s’opposant ouvertement à l’arianisme des gouvernants vandales.



217 Chrétiens ariens et nicéens en Afrique vandale (Ve-VIe siècles). Enjeux religieux, politiques et culturels d'une coexistence difficile

Giampiero Scafoglio1, Bertrand Lançon2, Konrad Vössing3, Étienne Wolff4, Bruno Pottier5, Amélie Belleli2
1Université Côte d'Azur, Nice, France. 2Université de Limoge, Limoge, France. 3Universität Bonn, Bonn, Germany. 4Université Paris Nanterre, Paris, France. 5Université Aix-Marseille, Aix-en-Provence, France

Abstract

Chrétiens ariens et nicéens en Afrique vandale (Ve-VIe siècles).

Enjeux religieux, politiques et culturels d'une coexistence difficile

 

Les rapports entre les gouvernants ariens et la population en grande partie liée au credo de Nicée étaient traditionnellement considérés comme difficiles, mais ils ont fait dernièrement l’objet d’une révision allant jusqu’aux limites de la réfutation. Cette diversité de positions démontre la complexité d’une situation aux multiples facettes, qui change au fil du temps, avec les différents rois vandales et même dans les différents moments de leur règne ; une situation qui ne reste certainement pas toujours conflictuelle, mais qui implique, au moins en certaines étapes, des difficultés et des frictions sociales, ainsi que des mesures de répression et des attitudes autoritaires du pouvoir. 

Nous nous proposons donc d’étudier étudier les rapports entre chrétiens ariens et nicéens en Afrique vandale, en essayant d’en faire émerger les lumières et les ombres, avec une attention particulièrement portée sur les raisons politiques du conflit impliquant la religion, sur la réaction des intellectuels – souvent de résilience – et sur les œuvres littéraires qui reflètent ce conflit.   


             

Bertrand Lançon 

Un roi arien et une reine nicéenne : le couple Hunéric-Eudocia du mariage à la séparation (455-471). À propos de deux passages de Théophane et Zonaras


Amélie Belleli

Les enfants d’Hildéric. L’héritage chrétien de l’utérus romain


Konrad Vössing 

Religion ou politique ? Pourquoi Hunéric a choisi une stratégie de conflit face à l’église nicéenne et pourquoi il a échoué

       

Étienne Wolff

            La résistance à l'arianisme vandale chez les poètes de l’Anthologie latine et chez quelques prosateurs chrétiens contemporains

 Bruno Pottier 

Fulgence de Ruspe et l’aristocratie africaine nicéenne au début du VIe siècle : participation à l’administration vandale ou fuite du monde ? 


Giampiero Scafoglio          

            Dracontius et les Vandales : résistance, médiation, échec




Each speaker will submit his or her own abstract to the panel within the submission period, specifying that the paper is part of a session.